Séminaire HTL 2022-2024 : L’annotation entre Moyen Âge et Modernité

Responsables du séminaire : Franck Cinato et Aimée Lahaussois

‘The Vespasian Psalter’ (London, British Library, Cotton MS Vespasian A I, f. 12v). Copié dans le second quart du VIIIe s. traduction interlinéaire en viel-Anglais réalisée au IXe s.

Argumentaire

L’acte d’annoter les textes, quels qu’ils soient, apparaît comme une activité multimillénaire dans la plupart des aires linguistiques (voir Cinato – Lahaussois – Whitman, 2023). Annoter, c’est évidement ajouter des informations, dont la nature extrêmement variable dépend des contextes culturels, des époques, des objectifs. Or, il ne s’agit pas d’un acte gratuit ni anodin, car l’effort qu’il demande répond à des besoins et crée par le fait même de nouvelles connaissances.
            Par certains aspects, la pratique de l’annotation est à la racine même de la création d’un niveau métalinguistique. Nous observons ainsi que dans le processus de grammatisation des langues vernaculaires européennes, les premières attestations des terminologies métalinguistiques exprimées dans des langues autres que latine ou grecque se développent sous forme d’annotations manuscrites au sein de corpus de gloses.
            Dans le cadre de ce séminaire, nous distinguons les notions de gloses (qui peuvent être orales ou appartenir au discours/texte, et ainsi donc ne pas seulement exister sous forme d’annotation) et d’annotation, en ce sens que l’une comme l’autre ne participe pas nécessairement à une relation de parfaite réciprocité : une glose peut être annotée, mais pas uniquement, et une annotation n’est pas toujours une glose.
            Ainsi, si les premières annotations métalinguistiques sont probablement médiévales, la pratique n’a jamais cessé jusqu’à nos jours. Dans une perspective épistémologique, ce séminaire visera à documenter la question de l’annotation à travers des séries de faits s’étalant du Moyen Âge à nos jours, avec une emphase sur les périodes de la Renaissance et l’époque moderne, identifiées comme des périodes charnières.

Domingo de Santo Tomás, Grammatica o Arte de la lengua general de los Indios de los Reynos del Peru (1560) digital facsimile at the John Carter Brown Library

            Dans le contexte actuel où l’annotation de corpus occupe un grand nombre de linguistes, descriptivistes ou TAL-istes, apporter une perspective historique sur cette pratique paraît essentiel pour situer les horizons de réflexion et identifier dans quelle mesure les pratiques sont marquées par une continuité.

            Nous nous intéresserons dans un premier temps à l’annotation interlinéaire, et chercherons à établir une chronologie de son évolution afin d’identifier la continuité des étapes la liant à l’annotation linguistique telle que pratiquée actuellement en typologie et en linguistique descriptive. C’est donc dans le contexte de matériaux écrits accompagnés de gloses ou de traductions interlinéaires, reflétant une confrontation entre cultures et langues différentes, que nous souhaitons mener cette réflexion. Il nous semble particulièrement important d’avoir une couverture géographique large, afin d’identifier comment ces pratiques ont pu différer dans différentes aires culturelles à travers le temps. Ainsi, nous inviterons des experts travaillant sur des horizons très différents : entre autres, nous entendrons des spécialistes de la documentation linguistique en Amérique du Nord, avant et après Boas au début du 20eme s. ; des traditions d’annotation de textes en Asie du Sud, du Sud-Est, et de l’Est jusqu’au 19e siècle ; de Leibniz, puisque ce dernier préconisait l’annotation interlinéaire des données sur les langues exotiques.

            Dans le cadre de cette thématique large, nous souhaitons soulever des questionnements divers selon les perspectives adoptées, qu’elles soient d’ordre théorique, diachronique, épistémologique, anthropologique, etc. Quelles constantes peut-on dégager de pratiques similaires mais cependant indépendantes ? Peut-on observer une influence de l’imprimerie sur la pratique de l’annotation ? Les modèles linguistiques modernes ont-ils transformé notablement la pratique ou se sont-ils satisfait des usages établis ? Telles sont quelques-unes des questions que nous nous poserons. D’autres thématiques seront éventuellement abordées par la suite, comme par exemple, la ponctuation et le découpage de l’énoncé comme pratiques « annotatives », ou l’annotation marginale dans sa dimension intertextuelle.

Bibliographie

Programme des intervenants

Toutes les séances auront lieu dans la salle 533 du bâtiment Olympe de Gouges, de 14h à 16h.

Un lien zoom peut être demandé aux organisateurs du séminaire (Aimée Lahaussois et Franck Cinato).

2023-2024

  • Vendredi 10 Novembre 2023 : Justin Smith : “G. W. Leibniz et les desiderata linguistiques de l’expédition du Kamtchatka (1731-1741)”

2022-2023

  • Vendredi 3 février 2023 : Marieken Teeuwen (Uni Leiden) “Glossing Between the Lines”

Mariken Teeuwen, Senior researcher at Huygens Institute (Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences, Amsterdam), and Professor by special appointment “Culture of Writing in the Middle Ages”, Institute for History, Leiden University

Different areas of the medieval book were used for adding paratext to the text in the writing area of the page: flyleaves, margins, inserted leaves and, of course, the space between the lines. The practice of making interlinear glosses was one particular technique in a set of tools to annotate the book. If we reflect on this, we can ask a number of questions: what makes a scribe decide to write a gloss in interlinear space, and not in the margin, on a flyleaf or on an inserted leaf? Is it a matter of copying the distribution from one exemplar to the next? Is it simply the distinction between ‘short’  and ‘longer’ glosses? Is there an implicit typology that decides where the material goes, such as grammatical versus explanatory or digressing glosses? Does the distribution of material over different ‘free’ spaces in a manuscript reflect some kind of hierarchy of existing paratext versus new material from a reader, created on the fly?

In order to get a handle on these questions, I will compare four copies of Martianus Capella’s De nuptiis Philologiae et Mercurii, all from the ninth century. This is a text with multiple settled commentary traditions, already in the ninth century, which was copied with remarkable frequency precisely in this period. The text seemed to me, therefore, a good yardstick to use: with it we can assess what the distribution of paratext over the ‘empty’ spaces of each manuscript might tell us about the practices of learning and the processes of text transmission.

  • Vendredi 17 mars 2023 : Otto Zwartjes “Interlinear glosses in Renaissance grammar: with particular focus on Missionary linguistic tools in Latin America during the Colonial Period”

Vendredi 14 avril 2023 : Chloé Laplantine et Julie Marsault “Les dispositifs de gloses interlinéaires des textes autochtones d’Amérique du Nord aux 19e et 20e siècles”

  • Vendredi 26 mai 2023 : Peera Panarut (Uni Hamburg) “Tua kasian: A Specific Handwritten Type for Interlinear Glossings in Siamese (Thai) Manuscripts”

Among different types of Thai handwritings, e.g. neat type (tua bancong) and scribbled type (tua wat), there is also a handwritten type specifically used for interlinear glossings called tua kasian, which can be considered a miniature writing due to its smaller size. Tua kasian writings appear both in Thai and Khòm scripts, the two most common scripts in traditional Siamese manuscript culture. This type of handwritings has been found from Siamese manuscripts dated between the late 18th and the early 20th centuries. Tua kasian in Thai can be occasionally found in paper manuscripts, annotating secular texts between the lines. On the other hand, tua kasian in Khòm, also known as khòm kasian, is often found in palm-leaf manuscripts, annotating and explaining Pali texts. With the help of these interlinear miniature writings of tua kasian it is possible to trace the method of reading, learning and interpreting texts in the traditional period. The paper, therefore, focuses on the form and function of tua kasian in Thai and Khòm scripts from selected examples of paper and palm-leaf manuscripts, in order to propose its significance in the traditional system of Siamese education, as well as in the Siamese manuscript culture.

Retour en haut
CONTACT
MENTIONS LEGALES
PLAN DU SITE
logo-cnrs
logo-université-paris
Université Sorbonne Nouvelle