Thèse en cours : “Genèse, éclatement et limites de la notion d’unité linguistique dans la tradition grammaticale occidentale : débats autour de la notion de mot”

Marc Delarue, doctorant au laboratoire HTL, prépare une thèse intitulée “Genèse, éclatement et limites de la notion d’unité linguistique dans la tradition grammaticale occidentale : débats autour de la notion de mot, sous la direction de Jean-Marie Fournier et de Valentina Bisconti (UPJV).

Il nous présente sa thèse ici :

Début de l’entrée « Mot » du Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, d’Antoine Furetière (1690), réédition de 1984.

Cette thèse s’inscrit dans la suite de mon mémoire de master, qui m’a permis de saisir la complexité d’une tentative de définition de la notion d’unité linguistique en sciences du langage. Mon travail avait alors consisté en une réflexion portant d’une part sur la validité des concepts qui caractérisent une unité linguistique présentant un caractère de nouveauté (néologisme / occasionalisme / hapax), d’autre part sur les limites des outils à disposition du linguiste pour analyser de telles unités (sur quels critères constituer un corpus d’exclusion ? est-il possible de déterminer à coup sûr le procédé de création d’un néologisme ? Comment déterminer le sens d’une telle unité ? etc.).

Je propose ici de poursuivre cette réflexion en cherchant à expliciter la genèse, l’éclatement et les limites de la notion d’unité linguistique au travers d’une analyse des débats dans la tradition grammaticale occidentale portant sur la notion de mot, débats souvent passionnels, dans lesquels se cristallisent les controverses portant sur la définition de l’objet de la linguistique.

En effet, si le mot est considéré comme un « pseudo-concept », qui n’a jamais été stabilisé et qui n’est donc pas opérationnel (Swiggers, 1986 ; Branca-Rosoff, 1998), selon Parent (2015), la notion de mot demeure pourtant présente en linguistique (Ramat, 2016 ; Parent, 2017 ; Simone, 2017), et a largement contribué et contribue encore à la théorisation de l’unité linguistique[1].

Cette notion se constitue ainsi comme une limite que le linguiste cherche à dépasser par un construit théorique plus puissant, mais son utilisation peut cependant caractériser une stratégie auquel il a recours quand il est en manque de solutions. En effet, un autre point important dans l’étude du processus de construction de la notion d’unité en sciences du langage est celui des limites d’une telle conceptualisation : Simone (2017) propose par exemple la notion de « mots impossibles » pour caractériser des unités impossibles à définir en tant qu’unités de langue ; l’étude des contextes d’emploi de la notion de mot peut donc contribuer de mon point de vue à cette conceptualisation des limites, quand le linguiste y a recours pour circonscrire des unités qui sont en dehors de son cadre théorique.

Ainsi, la notion de mot peut se penser comme un espace discursif où se confrontent des enjeux épistémologiques (comment se construit scientifiquement la notion d’unité linguistique, quelle est l’influence des représentations des non-spécialistes dans la construction de la notion d’unité, quel est le critère permettant de déterminer l’opérabilité / la non-opérabilité d’une notion, peut-on se passer de la notion de mot quand on cherche à conceptualiser la notion d’unité linguistique, pourquoi la notion de mot reste incontournable dans la tradition grammaticale française malgré son apparente non-opérabilité…), et l’étude de ces enjeux pourrait permettre de mieux comprendre le processus de construction de la notion d’unité linguistique.

Au plan méthodologique, j’envisage de décrire la dialectique entre la notion de mot et d’autres notions proposées pour la remplacer à partir d’un corpus sélectif de dictionnaires de langue monolingues partant du XVIIe siècle à nos jours[2], étudié en tant qu’observatoire des controverses autour de la notion de mot. Cela me permettra non seulement de rendre compte de la façon dont le savoir scientifique se constitue, se diffuse et se dilue, mais aussi de rendre compte du(des) rôle(s) de l’outil linguistique qu’est l’objet dictionnairique dans le processus de grammatisation du français (Auroux, 1994).


[1] « La prise de position par rapport au statut scientifique de l’unité “mot” est un vecteur central à l’architectonique des approches de la tradition linguistique » (Parent, 2015 : 28).

[2]    Le corpus est en cours de construction.

Références citées

Auroux, Sylvain. 1994. La révolution technologique de la grammatisation. Liège : Mardaga. Philosophie et langage.

Branca-Rosoff, Sonia. 1998. « Le mot comme notion hétérogène ». Langues et langage. Aix-en-Provence : Publications de l’Université de Provence, 7, pp.7-39. [En ligne : http://syled.univ-paris3.fr/individus/sonia-branca/articles/79b_le_mot_BRANC.pdf].

Parent, François. 2015. La définition du terme « mot » en grammaire française contemporaine : une approche par la sémantique lexico-grammaticale. Thèse de doctorat, Université Laval. [En ligne : https://dam-oclc.bac-lac.gc.ca/fra/36b4357b-b283-4089-b84f-fd487c853373].

Parent, François. 2017. “The morpholexeme: a solution to the problem of word definition”. Studii de Ştiintă şi Cultură, 13(1).

Ramat, Paolo. 2016. “What’s in a word?”. Journal of Theoretical Linguistics, 13(2), pp.106-121.

Simone, Raffaele. 2017. « Word as a stratification of formats. », in R. d’Alessandro et al. (Eds), Di tutti i colori. Studi linguistici per Maria Grossmann. Online edition. [En ligne : https://www.researchgate.net/publication/348297804_Word_as_a_stratification_of_formats].

Swiggers, Pierre. 1986. « Le mot comme unité linguistique dans la théorie grammaticale au dix-
huitième siècle. » Indogermanische Forschungen, 91. [En ligne :
https://search.proquest.com/openview/852bf6009e825bf0eb635be68f5ffe0f/1?pq-origsite=gscholar&cbl=1818029].

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