Robert Nicolaï

Membre senior honoraire de l’Institut Universitaire de France

BIOGRAPHIE PROFESSIONNELLE

Lauréat 1997 du Forschungspreis der Alexander von Humboldt-Stiftung, Robert Nicolaï est membre senior honoraire de l’Institut Universitaire de France (2004). Après plusieurs années passées au Niger où il a créé le Département de linguistique de l’Université de Niamey (1975) il poursuivra sa carrière à l’Université de Nice. Il a créé le GDRE 1172 du CNRS (1995) et dirigé l’équipe ‘Contact et genèse des langues en zone sahelo-saharienne’ du laboratoire ‘Bases, corpus et langage’ jusqu’en 2009. Actuellement, il est membre associé du Laboratoire ‘Histoire des Théories Linguistiques’. 

Professeur invité de plusieurs Universités étrangères (Francfort, Leipzig, Wien, Prague, …) ainsi qu’au  Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology de Leipzig (2005),il est aussi le fondateur de la revue ‘Journal of Language Contact’ et Series Editor de la Collection Brill Studies in Language Contact and Dynamics of Language (BSCD).

Son parcours scientifique peut se scander autour de cinq thématiques : (i) linguistique africaine, (ii) contact des langues, (iii) dynamique du langage, (iv) épistémologie, (v) dynamique sémiotique.

Il commence ses recherches africaines avec l’étude du songhay et reprend la question de son apparentement pour aboutir au renouvellement des hypothèses concernant sa classification. Il entreprend alors une réflexion épistémologique sur les contacts des langues puis, partant de cette base, il questionnera les pertinences explicites et implicites que nous convoquons dans nos procès d’élaboration épistémiques lorsque nous visons à rendre compte des faits linguistiques et langagiers en général. Cela le conduira à situer sa problématique dans un carrefour interdisciplinaire où il croisera son expérience de linguiste aussi bien avec les problématiques de l’ethnométhodologie, qu’avec celles de la sémiotique ; ou encore, avec certaines recherches sociolinguistiques et cognitives. Dès lors, il développe une réflexion théorique dans laquelle la problématique du « sujet-acteur » est une figure centrale en ce qu’il est au cœur dynamique de l’élaboration du sens et de la mise en signification. Problématique qu’il s’emploie à développer dans le cadre qu’il a tracé autour de ce qu’il appelle la dynamique sémiotique.

PARCOURS SCIENTIFIQUE

Son parcours scientifique, fortement structuré autour de quelques constantes intellectuelles, connaît de nombreuses facettes :

  • Linguistique africaine. C’est après une première thèse (doctorat de 3e cycle, 1973) de phonologie dialectale consacrée à la description d’un parler de l’arrière-pays niçois qu’il commence ses recherches africaines par l’étude dialectologique et comparative des langues songhay qui furent longtemps son « terrain » de prédilection et auxquelles il consacra sa thèse de doctorat d’État ([1979] 1981). Il devient ainsi spécialiste des langues songhay méridionales et septentrionales dont il a traité dans un nombre important d’articles publiés pour l’essentiel entre 1976 et 2006.
  • Changement linguistique. Sa thèse de doctorat d’État – qui fait toujours référence – présente la phonologie de l’ensemble des langues songhay et traite de leurs diversifications au plan dialectologique. Elle offre ainsi, suite à un important et nécessaire ensemble de travaux descriptifs préparatoires, la première synthèse systématique dans le domaine. Comme complément à cette recherche, il propose un certain nombre de travaux analysant la diversification dialectale du songhay considérée sous un angle qui prend en considération ses fonctionnalités sociolinguistiques. Corrélativement, il s’attachera aux langues septentrionales (dites langues mixtes « songhay-berbère ») et en proposera une première et extensive description phonologique dans une série d’articles (1979-1980).
  • Recherche comparative à visée « généalogique ». En contrepoint de ses travaux de dialectologie songhay il s’intéressera à la question de l’apparentement généalogique de cette langue pour, en « outsider » et en élargissant la thématique après quelques études intermédiaires (1984), aboutir à une proposition de renouvellement de sa classification mettant en cause les hypothèses introduites par J. Greenberg qui ont force de loi dans le milieu académique. Ses travaux sur l’apparentement du songhay et la controverse qu’il a conduite dans ce domaine (synthétisés dans ses ouvrages de 1990 et de 2003) préparent la réflexion théorique et épistémologique qu’il développera en ce qui concerne les pertinences et les méthodes retenues par ce type de recherche dans les langues sans traditions écrites et sur les pratiques implicites des linguistes qui travaillent dans ce champ.
  • Questionnements morphosémantiques. Toutefois, ses travaux comparatifs sur le lexique ont aussi eu une autre conséquence : celle de le sensibiliser à la problématique générale de la motivation lexicale saisie dans ses dimensions « cognitives ». Il va alors s’intéresser aux dynamiques morphosémantiques que P. Guiraud avait commencé à aborder dans les années ’60 et, à partir de là, il développera une réflexion théorique sur le signe, sur la place du « sujet » et sur la dynamique lexicale. Cela le conduira à proposer quelques articles dont certains ont une finalité descriptive (1982, 1987b) tandis que d’autres posent les premiers jalons d’un champ théorique à développer en rapport avec ces types de phénoménologies (1985, 1986, 1987a).
  • Construction logicielle et élaboration de bases de données. Parallèlement, les nécessités de ses travaux comparatifs concernant l’apparentement du songhay vont le pousser à se lancer dans le développement d’outils informatiques et à créer un cadre de travail collectif en réseau de dimension européenne, adapté à ces fins de recherche (1991-2001). Le développement du logiciel MARIAMA (1994-2001) et la construction de la base de données SAHELIA (réalisations qui ont sans doute contribué à lui faire attribuer le Prix Humboldt de la recherche, 1997) ont été les fers de lance de cette activité qui a donné lieu, par ailleurs, à plusieurs publications de travail … mais éditées dans des revues mal diffusées (1997, 2002).
  • Élaboration théorique et contact des langues. Cela étant, la considération des résultats qu’il a atteints grâce à l’étude des dynamiques linguistiques et sociolinguistiques dans l’espace sahelo-saharien et ailleurs l’ont aidé à se situer dans un cadre théorique lui permettant d’aborder les phénomènes de l’évolution des langues en y intégrant l’ensemble des pertinences qui sont actives dans leur transformation. Il poursuit alors ses recherches dans des directions où la notion de contact des langues et des populations est centrale afin d’appréhender l’ensemble des dynamiques linguistiques et langagières qui président aux procès de changement et de transformation des langues en général, saisies dans leurs dimensions linguistiques et langagières. La création de la revue Journal of Language Contact (2006) et la direction d’un ouvrage (2014) ambitionnant de questionner ce que la thématique du ‘contact’ permet de décrire et ce qu’elle apporte à nos théories et à nos présupposés est aussi un résultat de cet intéressement. Parallèlement, avec l’aide de Andrée Tabouret-Keller puis de Katja Ploog, il éditera deux volumes commentés de traduction des œuvres de H. Schuchardt (2011b, sous presse) afin de faire découvrir au public français cet auteur mal connu et pionnier dans l’étude des contacts de langues.
  • Analyse des pratiques de recherche. S’étant confronté – tout au long de ses recherches sur l’apparentement du songhay – aux problèmes épistémiques, mais aussi aux raideurs académiques et sociales qui sous-tendent, déterminent et conditionnent les procès de renouvellement théorique et les dynamiques de changement des paradigmes d’analyse, il développe une réflexion critique – portant aussi bien sur la « construction » des phénomènes étudiés que sur la place que le chercheur occupe dans ce procès – qu’il concrétisera au long de quatre ouvrages (2000, 2003, 2007 et 2011a) formant ce qu’il appelle une « tétralogie », et dont le fil rouge est constitué par sa réflexion sur la force des doxas.
  • Dynamique sémiotique. Les quatre ouvrages qui forment cette tétralogie constituent à la fois le socle pour l’analyse de certaines pratiques de la recherche et une ouverture vers un domaine qu’il s’efforcera de conceptualiser et de développer en le situant dans le cadre d’une « anthropologie renouvelée » à construire : il s’agit du domaine de ce qu’il appelle la dynamique sémiotique, qu’il conçoit comme le procès général de l’élaboration du sens et de la mise en signification. Une dynamique qui s’actualise et se développe à travers l’usage du langage et qu’il identifie à la fois sur le plan épistémique dans les procès de constitution des connaissances et sur le plan de la communication ordinaire. Il en esquisse les contours dans le dernier volume de sa tétralogie (2011a) en questionnant tout particulièrement le rapport de subjectivation-objectivation qui nous lie à nos langues, puis il approfondit le thème dans un dernier ouvrage (2019) qui met son approche en perspective face à différentes saisies conduites dans le demi-siècle.
  • Épistémologie de la recherche. Aujourd’hui, se plaçant dans une approche résolument transversale construite en marge des champs disciplinaires constitutifs des sciences humaines et de la société, et après avoir développé une réflexion générale sur les notions de ‘frontière’ (2013, 2017c), il s’intéresse à la façon dont nous développons et transformons les cadres de nos analyses (savantes et ordinaires). Ses réflexions ouvrent vers une synthèse (2017b) qui vise à baliser un champ de réflexion concerné par les déterminations de nos saisies des phénomènes – linguistiques, mais pas seulement – et par les contraintes qui orientent nos élaborations théoriques. Autant de questions que, in fine, en examinant les effets de l’historicité qui nous enserre, les procès de réflexivité et de détachement que nous développons et en réintégrant la place du sujet dans la construction du sens et l’élaboration des connaissances, il relie à sa réflexion générale sur la dynamique sémiotique et aux procès de « mise en signification » les plus ordinaires.
  • Finalement, dans un dernier ouvrage (2021) il rassemblera l’essentiel des tables rondes, interventions et autres séminaires tenus entre 2004 et 2009 dans le contexte de l’IUF, au cours desquels il aura croisé et structuré ses réflexions sur les contacts de langues, la dynamique sémiotique, les pratiques des chercheurs et l’épistémologie de la recherche.

REFERENCES RETENUES

Ces références ne constituent nullement la bibliographie de R. Nicolaï. Il ne s’agit que des travaux auxquels il est explicitement renvoyé dans le « parcours scientifique » ci-dessus présenté.

LISTES DES PUBLICATIONS ET DES COMMUNICATIONS

1. Ouvrages

  • Sous presse. (avec K. Ploog & A. Tabouret-Keller). Hugo Schuchardt, œuvres choisies. Tome 2 ‘Slavo-allemand et slavo-italien’, (Édition commentée). Limoges, Lambert-Lucas.
  • 2021. Maturations. Contacts, frontières, interprétations et constructions (2004-2009). Paris, L’Harmattan.
  • 2019. Parcours sémiotiques ou les mots des hommes. Une anthropologie langagière. Paris, L’Harmattan.
  • 2017, Signifier. Essai sur la mise en signification dans l’espace épistémique et dans l’espace communicationnel ordinaire. Lyon, ENS Éditions.
  • 2016 : (Editions numériques UPR) Langue de bois et politiquement correct. (ebook) www.uppreditions.fr .
  • 2014. (Ed.) Limits of Contact, Contact at its Limits. Questioning Language Contact. Boston / Leiden, Brill.
  • 2011. La construction du sémiotique. Réflexion sur les dynamiques langagières et l’activisme des acteurs. Paris, L’Harmattan.
  • 2011. (avec A. Tabouret-Keller). Hugo Schuchardt, œuvres choisies. Tome 1 : textes théoriques et de réflexion (1885-1925), (Édition bilingue commentée). Limoges, Lambert-Lucas.

2. Articles et chapitres d’ouvrages

  • (Sous presse). Impression d’ensemble. Introduction. In : Hugo Schuchardt, Œuvres choisies, volume 2 : Le slavo-allemand et le slavo-italien / Slawo-deutsches und Slawo-italienisches (R. Nicolaï, K. Ploog and A. Tabouret-Keller, eds.). Limoges, Lambert-Lucas.
  • (Sous presse). Dynamique sémiotique et mise en signification : Réflexions sur la rétention d’historicité et l’élaboration du sens. Signata 13.
  • 2020. Dynamique sémiotique… et « anthropologie langagière » : une perspective. (contrepoint “phénoménologique”). Signifiance (Signifying) 4(1) : 136-151.
  • 2019. From geographical and social boundaries to epistemic breaks. In : Jeroen Darquennes, Joe Salmons and Wim Vandenbussche (eds.). Language Contact, Handbücher zur Sprach-und Kommunikationswissenschaft. Vol 1 : 270-283. Berlin, de Gruyter : 270_283.
  • 2018. Comparer quoi pour (trouver) quoi ? Ce qu’on cherche et ce qu’on trouve en linguistique, et en général. 40 Jahre Afrikanistik. Festschrift für Rainer Vossen Edited by : Kl. Beyer, G. Boden, B. Köhler, U. Zoch. Köln, Rüdiger Köppe Verlag : 271-289.
  • 2018. Language Contact, Cognitive Circularity and “WE”. Journal of Language Contact 11.1 :113-137.
  • 2018. Sous le dessin et le dessein, ou les conditions de la frontière et de l’émergence du sens. In : M. Auzanneau & L. Greco (éds.), Dessiner les frontières. Lyon, ENS Éditions :173-185.
  • 2018. S 75. Songhay : une langue africaine en contact étroit avec le berbère. In : Encyclopédie Berbère (IREMAM – INALCO).
  • 2017. Meanderings around the notion of ‘contact’ in reference to languages, their dynamics, and to ‘WE’. Journal of Language Contact 10.3 : 519-548.
  • 2016. Espace de variabilité, dimension du paraître et dynamique des acteurs. In : G. Siouffi (ed.), Modes langagières dans l’histoire. Processus mimétiques et changements linguistiques. Paris, Champion : 75-102.
  • 2014. À propos de Schuchardt, du mélange des langues et du contact. Points de vue, masquages et évitementsJournal of Language Contact 7.2 : 211-249.
  • 2014. De l’arbre généalogique à la saisie du contact des langues, Dossiers Pour la Science 82 ‘L’évolution des langues. Quel avenir?’ : 52-57.
  • 2014. Le sociolinguistique comme contexte et le sémiotique comme construction, ou vice-versa : des ‘cues’ et de l’interaction, (Hommage à John Gumperz). Langage et Société 150 : 85-97.
  • 2014. Contact des langues et contraintes de la description : réflexions épistémologiques sur les ‘limites’, à partir du songhay septentrional. In : R. Nicolaï, ed., Questioning language contact, Limits of contact, contact at its limits. Boston / Leiden, Brill : 17-57.
  • 2014. Introduction à : R. Nicolaï (ed.). Questioning Language Contact. Leiden / Boston, Brill : 1-13.
  • 2014. Les dynamiques évolutives du songhay mises en perspective : étape de synthèse. In : St. Bouškova & Vl. Tax (eds.), The Relativity of Proximity and Remoteness : Communication from the Perspective of Culture and Linguistics. Prague, FHS UK : 110-123.
  • 2013. Origine du langage et origine des langues : réflexions sur la permanence et le renouvellement d’un questionnement des Lumières. In B. Fracchiolla (ed.) Les origines du langage et des langues. Volume 1. Paris, L’Harmattan : 81-151.
  • 2013. (with K. Ploog) : Frontières. In : J. Simonin & S. Wharton (eds.), Sociolinguistique du contact. Dictionnaire des termes et concepts. Lyon, Presses de l’École Normale Supérieure (ENS).
  • 2013. Du songhay à la Mère Denis… ou le parcours d’un Africaniste atypique. In C. de Féral (ed.) Languages in Question. In Honour of Robert Nicolaï (vol.1 : Language Contact and Epistemological Issues). Paris, Peeters : 3-18.
  • 2012. Je, moi et les autres : des locuteurs aux acteurs dans la dynamique communicationnelle. In : M. Dreyfus & J.-M. Prieur (eds.), Hétérogénéité et variation. Paris, Michel Houdiard : 98-120.
  • 2012. L’improbable parenthèse de la (socio)linguistique. In : Fr. Gadet (ed.), Cahiers de linguistique, Special Issue, « Construction des connaissances sociolinguistiques. Du terrain au positionnement théorique ». 38/2 : 167-193.
  • 2012. Phénomènes et mise en signification : remarques adventices, Langage et Société 142 : 59-72.
  • 2012. Du contact entre les langues au clivage dans la langue. Vers une anthropologie renouvelée. Journal of Language Contact 5.2 : 279-317.
  • 2011. Hugo Schuchardt. Introduction. In : R. Nicolaï & A. Tabouret-Keller (eds.), Hugo Schuchardt : textes théoriques et de réflexion. Limoges, Lambert-Lucas : 7-13.
  • 2011. Présentation de Sprachverwandtschaft. In : R. Nicolaï & A. Tabouret-Keller (eds.), Hugo Schuchardt : textes théoriques et de réflexion. Limoges, Lambert-Lucas : 157-159.
  • 2011. Présentation de Individualismus et Individualismus in der Sprachforschung. In : R. Nicolaï & A. Tabouret-Keller (eds.), Hugo Schuchardt : textes théoriques et de réflexion. Limoges, Lambert-Lucas : 191-194.
  • 2011. Comment Dieu créa le Monde et quel Monde Il créa, ou : la re-élaboration d’une mythologie à propos de l’origine des langues… à l’ombre du ‘politiquement correct’, Glottopol 18 : 203-220.

3. Keynotes et communications invitées

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